Εἰρήνη — L’article « Paix » de l’Encyclopédie : Un plaidoyer en faveur de la paix



Εἰρήνη — L’article « Paix » de l’Encyclopédie

Un plaidoyer en faveur de la paix

 

Par Karim Mansour et les hellénistes de khâgne

Une contribution au projet « Textes, Langues et Langages »

(Axe 2 : La guerre et la paix, 2023-24)

 

Le thème de langues anciennes au programme de la session 2024 du concours de l’ENS est « La guerre et la paix ».

En ces temps particulièrement troublés par la guerre en Ukraine et la guerre en Palestine, les khâgneux ont travaillé après les épreuves écrites sur l’article « Paix » de l’Encyclopédie des Lumières. Ouvrage dont l’ambition est à la fois didactique et argumentative, l’Encyclopédie, dirigée par les philosophes Diderot et d’Alembert, défend les valeurs qui lui sont chères — ici la Paix, à la fois mot-titre et credo — en une période dominée alors par la « guerre de Sept Ans ».

« Dans un article longtemps attribué à Diderot, Damilaville aborde le problème sous un angle sociologique : la guerre est définie comme une maladie du corps social — l’état naturel de l’homme étant l’état de paix — et l’enquête aborde quatre domaines : les libertés civiles, la démographie, le commerce et l’agriculture. » (Littérature XVIIIe. Textes et Documents, par Michel Charpentier et Jeanne Charpentier, Collection Henri Mitterand, Nathan, 1987).

Nous avons traduit cet article en grec ancien, en nous efforçant de modeler notre expression sur le style des orateurs attiques ou de la prose de Platon, comme il est de coutume dans l’exercice du thème grec. Nous proposons ici le texte français original et sa traduction grecque, élaborée pour moitié de façon collective.

 


PAIX. — La guerre est un fruit de la dépravation des hommes ; c’est une maladie convulsive et violente du corps politique, il n’est en santé, c’est-à-dire dans son état naturel que lorsqu’il jouit de la paix ; c’est elle qui donne de la vigueur aux empires ; elle maintient l’ordre parmi les citoyens ; elle laisse aux lois la force qui leur est nécessaire ; elle favorise la population, l’agriculture et le commerce ; en un mot elle procure aux peuples le bonheur qui est le but de toute société. La guerre au contraire dépeuple les Etats ; elle y fait régner le désordre ; les lois sont forcées de se taire à la vue de la licence qu’elle introduit ; elle rend incertaines la liberté et la propriété des citoyens ; elle trouble et fait négliger le commerce ; les terres deviennent incultes et abandonnées. Jamais les triomphes les plus éclatants ne peuvent dédommager une nation de la perte d’une multitude de ses membres que la guerre sacrifie ; ses victoires même lui font des plaies profondes que la paix seule peut guérir.

            Si la raison gouvernait les hommes, si elle avait sur les chefs des nations l’empire qui lui est dû, on ne les verrait point se livrer inconsidérément aux fureurs de la guerre, ils ne marqueraient point cet acharnement qui caractérise les bêtes féroces. Attentifs à conserver une tranquillité de qui dépend leur bonheur, ils ne regarderaient point avec envie ceux qu’elle a accordés à d’autres peuples ; les souverains sentiraient que des conquêtes payées du sang de leurs sujets, ne valent jamais le prix qu’elles ont coûté. Mais par une fatalité déplorable, les nations vivent entre elles dans une défiance réciproque ; perpétuellement occupées à repousser les entreprises des autres, ou à en former elles-mêmes, les prétextes les plus frivoles leur mettent les armes à la main, et l’on croirait qu’elles ont une volonté permanente de se priver des avantages que la Providence ou l’industrie leur ont procurés. Les passions aveugles des princes les portent à étendre les bornes de leurs Etats ; peu occupés du bien de leurs sujets, ils ne cherchent qu’à grossir le nombre des hommes qu’ils rendent malheureux. Ces passions allumées ou entretenues par des ministres ambitieux, ou par des guerriers dont la profession est incompatible avec le repos, ont eu dans tous les âges les effets les plus funestes pour l’humanité. L’histoire ne nous fournit que des exemples de paix violées, de guerres injustes et cruelles, de champs dévastés, de villes réduites en cendres. L’épuisement seul semble forcer les princes à la paix ; ils s’aperçoivent toujours trop tard que le sang du citoyen s’est mêlé à celui de l’ennemi ; ce carnage inutile n’a servi qu’à cimenter l’édifice chimérique de la gloire du conquérant, et de ses guerriers turbulents ; le bonheur de ses peuples est la première victime qui est immolée à son caprice ou aux vues intéressées de ses courtisans.

 

Damilaville.

 

 


ΕΙΡΗΝΗ. — Ὁ πόλεμος καρπὸς μέν ἐστι τῆς τῶν ἀνθρώπων πονηρίας, νόσος δὲ βιαία καὶ σπασμώδης τοῦ πολιτικοῦ σώματος · τοῦτο γὰρ μόνον ὑγιές ἐστι καὶ ἐν τῇ φυσικῇ διαθέσει ὅταν εἰρήνῃ χρῆται · αὕτη γὰρ ἰσχὺν μὲν δίδωσι ταῖς ἀρχαῖς, κόσμον δὲ σῴζει ἐν τοῖς πολίταις, σθένος δ’ ἀναγκαῖον φυλάττει τοῖς νόμοις, τῷ δὲ δήμῳ χαρίζεται καὶ τῇ γεωργίᾳ καὶ τῇ ἐμπορίᾳ · ἁπλῶς δ’ εἰπεῖν τὴν εὐδαιμονίαν παρέχει τοῖς ἔθνεσι, τέλος οὖσαν πάσης πόλεως. Ὁ δὲ δὴ πόλεμος ἐρημοῖ μὲν τὰς πόλεις, ποιεῖ δὲ πάντως ἀκόσμους · οἱ δὲ νόμοι ἀναγκάζονται σιωπᾶν ὁρῶντες τὴν ὑπ’ αὐτοῦ γιγνομένην ἐξουσίαν · ἄδηλα δὲ ποιεῖ τὴν ἐλευθερίαν καὶ τὸ ἴδιον τῶν πολιτῶν · ταράττει δὲ τὴν ἐμπορίαν καὶ ἀναγκάζει αὐτὴν ἀμελεῖσθαι · οἱ δ’ ἀγροὶ ἀργοί τε γίγνονται καὶ καταλείπονται. Οὔποτε δὲ δύνανται αἱ λαμπρόταται νίκαι τοῖς ἔθνεσι τὸν θάνατον ἐπανορθοῦν τὸν τῶν πολλῶν κοινωνῶν τῶν τῷ πολέμῳ θυομένων · αὐταὶ γὰρ αἱ νίκαι πληγὰς βαθείας αὐτοῖς ποιοῦσιν ἃς μόνη ἡ εἰρήνη οἵα τε ἐστὶν ἰᾶσθαι.

            Εἰ μὲν γὰρ ἡ γνώμη ἦρχε τῶν ἀνθρώπων, εἰ δ’ εἶχε τῶν ἡγεμόνων τῶν ἐθνῶν τὴν ὀφειλομένην ἀρχήν, οὐκ ἂν ἀσκέπτως ἐφαίνοντο χρώμενοι ταῖς τοῦ πολέμου μανίαις, οὐδ’ ἂν τοσοῦτον σφοδροὶ ἐγίγνοντο ὅσονπερ τὰ θηρία, ἀλλὰ σκοποῦντες μὲν ὅπως ἡσυχίαν ἄξουσιν ἐφ’ ᾗ ἐστιν ἡ εὐδαιμονία αὐτῶν, οὐκ ἂν ἐλάμβανον πάντας τοὺς καιροὺς τὴν τῶν ἄλλων ταράττειν, ἀγαπῶντες δὲ τοῖς ἀγαθοῖς οἷς ἂν ἡ φύσις πᾶσι τοῖς παισὶ διανείμῃ, οὐκ ἂν ἐφθόνουν τούτοις οἷς ἂν ἄλλοις ἔθνεσι χαρίσηται, ἀλλ’ ᾐσθάνοντο ἂν οἱ ἄρχοντες ὅτι αἱρέσεις ἀντὶ θανάτου τῶν ὑπηκόων πεποιημέναι οὔποτ’ ἄξιαί εἰσι τῶν αἱρεθέντων βίων. Νῦν δ’ ὑπ’ ἐλεεινῆς ἀνάγκης ἀεὶ ζῇ τὰ ἔθνη ἀλλήλοις ἀπιστοῦντα · ἀεὶ γὰρ μελετῶντες οἱ ἄνθρωποι τὰς μὲν τῶν ἄλλων ἀδίκους ἐπιχειρήσεις ἀμύνεσθαι, τὰς δὲ καί τινας αὐτοὶ ἐπιχειρεῖν, ἐκ τῶν ματαιοτάτων προφάσεων τὰ ὅπλα εἰς χεῖρας λαμβάνουσιν, ὥστε φαίης ἂν αὐτοὺς ἀεὶ βούλεσθαι τῶν συμφόρων ἀποστερεῖσθαι ὧν ἂν ἡ τοῦ θεοῦ πρόνοια ἢ καὶ ἡ τέχνη αὐτοῖς παράσχῃ. Ἀλόγαις γὰρ ἐπιθυμίαις συνεχόμενοι οἱ βασιλεῖς οὕτω τοὺς τῶν πόλεων ὅρους ἐκτείνουσιν ὥστε τοῦ ἀγαθοῦ τῶν ὑπηκόων ὀλιγωροῦντες οὐδενὸς ἄλλου ἐπιθυμοῦσιν πλὴν τοῦ τὸ πλῆθος τῶν ὑπ’ αὐτῶν δυστυχῶν γιγνομένων ἀνθρώπων αὐξάνειν. Καὶ μὴν αὗται αἱ ἐπιθυμίαι ὑπὸ μὲν φιλοτίμων ὑπουργῶν ἐκφλεγόμεναι ἢ τρεφόμεναι, ὑπὸ δὲ στρατηγῶν οὕσπερ ἡ πολεμικὴ τέχνη οὐδαμῶς ἐᾷ ἡσυχίαν ἄγειν, ἐν πᾶσι τοῖς χρόνοις τῶν ὀλεθριωτάτων τοῖς ἀνθρώποις αἴτιαι ἐγένοντο. Ὲν γὰρ τοῖς γεγενημένοις οὐδὲν ὁρῶμεν εἰ μὴ παραδείγματα παραβεβασμένων εἰρήνης ὅρκων καὶ ἀδικῶν τε καὶ δεινοτάτων πολέμων καὶ ἀναστάτων πεποιημένων ἀγρῶν καὶ πεπορθημένων πόλεων · ὥστε μόνον μεγάλους πόνους πονήσαντες οἱ βασιλεῖς δοκοῦσιν ἀναγκάζεσθαι εἰρήνην ποιεῖσθαι. Καίτοι ὀψέ γ’ αἰσθάνονται ὅτι τὸ αἷμα τοῦ πολίτου τῷ τοῦ πολεμίου συνεμίγη, ὥστε οὗτος μὲν ὁ πολὺς καὶ μάταιος φόνος οὐδὲν ἄλλο ἐποίησε πλὴν ἐβεβαίωσε τὴν φανταζομένην οἰκίαν τῆς τοῦ τε πολλὰ καταστρεψαμένου καὶ τῶν ταραχωδῶν στρατηγῶν εὐκλείας, ἡ δ’ εὐδαιμονία τῶν ἐθνῶν πρῶτόν γε σφάγιον τούτῳ τῷ δυσκόλῳ ἀνδρὶ καὶ τοῖς φιλοκερδέσι κόλαξι θύεται.